mercredi 6 mars 2019

Pour ne jamais oublier

                  à Anne , à Gérard .   

   In memoriam ... « l'Amour ne passera jamais » 

                                      -------------
   Elle s’appelait Claire, c’eût été plus crédible qu’elle 

portât un prénom biblique bien typique,     

            appelons-la donc Judith.   Elle était blonde, 

diaphane, cheveux longs et lisses, yeux noisette, peau

 laiteuse. Donnons lui une chevelure épaisse et noire,

frisée, quoique chez les Ashkénazes… ? 

  Sous son front, plaçons un regard noir et un peu 

fourbe. C'est tellement plus  conforme à son destin.   

Son père était un fin lettré, libraire à Paris, rue Saint 

Jacques, dans ce  quartier universitaire où elle avait 

grandi à l'ombre de la montagne Sainte  Geneviève.   




   Non, son père aurait dû être banquier ou 

diamantaire, politique,  homme d'argent, de pouvoir,

 et de  profit.   Elle passa une enfance heureuse et 

gaie, sans aucun  tracas familial, sans aucun 

souci d’aucune sorte. Elle était enjouée et heureuse, 

partageant son temps entre  sa  famille,ses amis,

 les répétitions de  théâtre, les déambulations dans 

Paris sa ville qui n’en finissait jamais de l’éblouir et 

l’étonner.    Pierre, le frère aîné tant chéri, Michel, 

dix-huit mois de moins qu’elle, et la petite 

sœur, Sophie, toute d’activité, vif argent, rieuse et 

chantante.    Une famille exemplaire, qui s’appelait 

Zylgenstein.   Des oncles, des tantes , des cousins, 

des amis, tout un petit monde soudé, qui n’avait rien 

à voir avec la ou les religions, qui s’en moquait 

comme d’une guigne, et vivait parisien, et heureux.   

   Ses études la menèrent en Sorbonne juste à côté de 

chez elle.

      Nous étions en 1928, elle se passionna pour

 le grec, en  traduisit des poètes, fit un mémoire sur 

Marcel Proust, (ce n’était guère encore de 

mise)  boucla parallèlement une licence d’histoire de 

l’art, et se retrouva à 23 ans professeur à Paris 

même. 

     Elle s’appelait Claire Zylgenstein.   

    C’était là son moindre défaut. Judith, au front bas,

 au regard  fourbe, avide d’argent, détestable, 

 étrangère, avec un nom pareil.    Judith disparut 

 dans la fournaise.     

  Michel, Pierre, les parents adorés; seule revint le vif 

argent Sophie,  les deux jambes brisées, le front 

enfoncé à coups de bottes, l’esprit hagard.

   Elle débarqua à Paris, hôtel Lutétia, ironie du 

destin,  qui avait hébergé les locaux de la Gestapo.   





Personne ne vint au devant de Sophie, qui fut 

recueillie dans un foyer de la Croix Rouge. 

 Les oncles et tantes, les cousins n'apprirent pas  son 

retour .        
                              
    Ou trop tard... Certains n’avaient eux-mêmes pas 

effectué le retour.         

   Elle s’appelait Zylgenstein et n’avait pas le droit de 

vivre.            
         
    Elle en mourut, six mois plus tard.     


Maurice  Ravel  , Kaddish
  

5 commentaires:

  1. Je crois qu'on oubliera jamais toutes ces atrocités du moins les gens de notre âge....
    Bonne journée à toi.
    Journée bien grise sur la sarthe
    Amitiés
    Anita

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  2. Bonjour, je suis la fille d'Huguette. bonne soirée :)

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    1. Merci de ton passage, je sais qu'elle avait des difficultés pour laisser un commentaire sur le blog, tu as donc réussi ! Tu l 'embrasseras de ma part. Et calin à tes 2 adorables poussinnets

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    2. Ils sont venus aujourd'hui et elle n'a pas perdu de temps pour me remettre sur les rails Je pourrais ainsi te retrouver facilement
      Merci à toi en ce 6 mars ! Bises

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  3. ne rien oublié des atrocités perpétrées de tous siécles par les étres humains
    à croire que guerre et paix , amour et haine , ne feraient qu'un
    bon tu as mis un bel arbre vieux patriarche résistant à tous les vents
    puis Notre Temps a cessé d'émettre cette fois ci ! amitiès

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